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Des nouvelles de notre lauréate 2014 de la bourse Nuffield France

J. Dutheil et autres lauréats Nuffield
J. Dutheil avec M. Singh (Inde) et J. Su Hao (Chine) autres lauréats Nuffield – Crédit : The Land

 Qu’est ce que la bourse Nuffield ?

La bourse Nuffield permet, avec l’appui de la fondation Nuf¬field international, d’approfondir un sujet technique. Le boursier est soutenu ¬financièrement pour visiter des exploitations dans différents pays, rencontrer des agriculteurs étrangers, des responsables agricoles de haut niveau dans le monde entier et se faire aider, pour l’étude qu’il réalise, par les meilleurs spécialistes du domaine choisi.

Chaque année, les huit pays associés au sein de l’association internationale Nuffi-eld (Angleterre, Irlande, Australie, Nouvelle-Zélande, Zimbabwe, Hollande, France, Canada) sélectionnent une soixantaine de boursiers.

La bourse Nuffield d’une valeur de 20.000 € permet de réaliser :

  • La Contemporary Scolar Conference : au cours d’une semaine de conférences participatives, d’ateliers de travail et de visites de terrain, les 60 boursiers de l’année échangent avec de nombreux interlocuteurs internationaux de premier plan.
  • Le Global Focus Program : d’une durée de 6 à 8 semaines, par groupe de 7 boursiers, le programme prévoit des conférences, visites techniques et rencontres professionnelles dans 6 à 8 pays du monde développé et en développement. Exigeante, cette odyssée permet à chaque boursier de développer un puissant réseau professionnel notamment parmi les 1500 anciens Nuf¬eld et d’approfondir des connaissances techniques.
  • Des travaux individuels : sur une durée de plusieurs mois, chaque boursier approfondit un sujet d’étude de son choix, en utilisant le réseau Nuf¬field et ses propres contacts. En totale autonomie, chaque boursier organise ses déplacements à l’étranger pour rencontrer les meilleurs professionnels travaillant sur la thématique choisie. De retour dans son pays d’origine, le boursier Nuffield est en première position pour contribuer aux débats en lien avec son sujet d’étude.

 Premières rencontres à Londres puis Contemporary Scolar Conference à Sydney

Justine a retrouvé les 20 boursiers du Royaume-Uni et a assisté à des présentations sur l’histoire de l’agriculture. Elle a participé à une conférence du Dr David Hugues, professeur émérite en « Food Marketing » qui a abordé l’évolution de l’alimentation mondiale d’ici 2050.

La PAC et sa réforme

Les jours suivants ont été davantage consacrés à l’agriculture au Royaume-Uni, notamment leur vision de la PAC et sa réforme, le fonctionnement de la Commission Européenne vu par les anglais, et des thématiques plus générales telles que la biodiversité, l’agriculture durable, et la gestion des paysages. Une réflexion s’est également ouverte sur la définition exacte de l’agriculture, la façon de communiquer auprès du jeune public et également sur la façon de véhiculer une image positive à travers les médias.

Communiquer efficacement

Après ces 3 jours en Grande-Bretagne, Justine s’est envolée pour l’Australie pour 10 jours d’échanges et de conférences.

Dans un pays aussi vaste que l’Australie, les réseaux sociaux occupent une place importante pour communiquer auprès du public mais également entre professionnels agricoles. Les lauréats ont assisté à une présentation sur la façon d’utiliser ces réseaux au mieux, avec pour objectif de communiquer sur l’agriculture, sur leur métier, de faire évoluer l’opinion publique, de partager des valeurs communes, d’établir des réseaux et de partager leurs connaissances.

Vision de l’agriculture mondiale, opportunités et enjeux

Les opportunités du marché mondial pour l’agro-industrie ont occupé une large place au cours de cette semaine australienne. Avec pour perspective de nourrir 9 milliards d’humains à l’horizon 2050, de nombreux défis agricoles ont été largement discutés : assurer la sécurité alimentaire et l’accessibilité aux denrées alimentaires, augmenter la productivité et garantir la qualité des aliments, notamment nutritionnelle.

Les opportunités de l’Asie et particulièrement de la Chine ont été mises en avant, avec une forte augmentation de la population, un exode rural important, une forte croissance de la classe moyenne influant sur une demande grandissante en protéines animales (lait et viande). En parallèle, la diminution des surfaces agricoles au profit des villes et industries est un réel problème en Chine, mais également un enjeu mondial. Le principal challenge du futur est de produire plus, avec moins de façon durable.

Enfin, la question des successions qui reste une préoccupation majeure et mondiale a aussi fait l’objet d’un débat.

 Global Focus Program : tour du Monde agricole

« Fin mai 2014, nouveau départ pour l’Australie afin de rejoindre mon groupe et de commencer le Global Focus Program (GFP), pour un mois de visites à travers le monde.

Qu’est-ce que le Global Focus Program ?

Le Global Focus Program est un voyage de 6 semaines par groupe de 8-9 boursiers internationaux de l’année en cours, visant à réaliser un ensemble de visites et d’échanges avec des acteurs du monde agricole (agriculteurs, entreprises, coopératives, gouvernements, etc.), dans plusieurs pays à travers le monde. Le but principal est ainsi d’apporter aux boursiers une vision globale et mondiale de l’agriculture, toutes productions confondues. Le GFP est également une aventure humaine unique, permettant de nombreux échanges et la création d’un réseau à l’échelle mondiale.

Je fais partie du GFP Chine, réalisé de juin à mi juillet 2014 et composé de 9 boursiers, 5 Autraliens, un Néo-zélandais, un Canadien, une Irlandaise et une française (moi-même). Hormis la diversité culturelle composant le groupe, la diversité du monde agricole est également bien représentée : 2 vétérinaires (porcin et bovin lait), un éleveur laitier, un producteur de pomme de terre, une productrice de roses et myrtilles sous serre, une productrice d’agrumes, un producteur de légumes et engraisseur d’agneaux, un producteur de coton et céréales et une ingénieure agronome en projet d’installation en élevage ovin.

Au programme du GFP Chine 2014 : 3 jours en Australie, 3 jours aux Philippines, 11 jours en Chine, 1 semaine au Canada (pour les conférences internationales triennales Nuffield), 3 jours à Washington, 1 semaine aux Pays-Bas, 2 jours en France et 1 semaine en Irlande. Je laisse pour ma part le groupe à Washington, après 4 semaines et demie de voyage.

Zoom sur la Chine

Difficile de résumer plus d’un mois de visites en quelques lignes. La partie la plus marquante de ce GFP et la plus intéressante pour moi fut sans aucun doute l’Asie, et surtout la République Populaire de Chine. Lors du CSC de mars dernier, de nombreuses présentations insistaient sur les opportunités qu’offrait le marché asiatique, notamment en Chine, et les enjeux sociaux forts. J’ai pu voir par moi-même les challenges que l’agriculture chinoise doit relever et comprendre la position du gouvernement qui souhaite développer et moderniser son agriculture, augmenter le niveau de vie de ses agriculteurs et améliorer l’opinion publique vis-à-vis de cette classe de la population, la plus basse de l’échelle sociale chinoise.

Puissant importateur mondial, la Chine concentre 21% de la population mondiale, et possède 10% des surfaces agricoles mondiales.

Selon les estimations, la demande alimentaire en Chine devrait doubler d’ici 2050. Cette augmentation est principalement due à la forte urbanisation de la population soit une amélioration de son niveau de vie moyen, et l’adoption d’un régime alimentaire occidentalisé avec une consommation plus importante de viande, de produits laitiers, mais également de sucre et oléagineux.

La Chine serait auto-suffisante d’un point de vue alimentaire, mais du fait de sa population importante, disposer de réserves en nourriture suffisantes reste une problématique marquante. Il convient de distinguer sécurité alimentaire en termes de réserves (notamment pour les céréales) et de disponibilité pour la population, et sécurité alimentaire d’un point de vue plus occidental, désignant l’aspect sanitaire des produits ainsi qu’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement.
La protection de l’environnement est une nouvelle problématique pour le gouvernement chinois, poussée par l’opinion publique qui se sent de plus en plus concernée notamment par la pollution de l’air et de l’eau, et attend que le gouvernement prenne des mesures dans ce sens. Pour y répondre, le gouvernement subventionne par exemple la plantation d’arbres ou la mise en culture de zones désertiques. Cependant, le principal enjeu pour la Chine est de nourrir sa population qui devrait atteindre 1,38 milliard en 2050.
Pour faire face à cette demande alimentaire, la Chine dispose de deux solutions complémentaires : augmenter sa propre production et importer des produits agricoles. L’augmentation des importations chinoises devrait surtout concerner la viande de bœuf, de mouton et de chèvre, et les produits laitiers, et de façon moindre les céréales.

Pour augmenter sa production, améliorer sa productivité et l’efficience de son agriculture est une issue majeure pour le gouvernement chinois. Pour atteindre cet objectif, il encourage la modernisation et l’innovation en agriculture, par le biais de mesures politiques et en favorisant les investissements. Le gouvernement chinois accorde par exemple des subventions à hauteur en 40% dans les domaines des intrants, l’équipement, l’emploi de semences de qualité, l’amélioration génétique, et le transport. Il favorise également la création d’entreprises et l’association entre agriculteurs.

C’est le cas par exemple de la plateforme de sélection ovine, Saio Reproductive Technology, que nous avons visité en Mongolie Interne. Mise en place en 2004 grâce aux subventions du gouvernement pour promouvoir l’amélioration génétique et les performances des troupeaux, cette plateforme réalise plus de 10 000 implantations d’embryons par an à travers la Chine. L’entreprise Dairy United, également créée en 2004, compte ainsi 9 000 vaches laitières réparties sur 13 fermes. L’entreprise loue les vaches et les terres exploitées par des agriculteurs afin de les réunir au sein d’une même entreprise. Certains agriculteurs sont employés comme main d’œuvre sur les fermes, d’autres ont cessé leur activité pour un autre métier, en ville notamment.

Une précision importante, les terres en Chine sont la propriété de l’Etat, qui accorde aux familles des droits d’exploiter, qui se transmettent de génération en génération. Pour pouvoir créer une exploitation agricole, ou augmenter la taille de son exploitation, il faut négocier avec les agriculteurs en place pour récupérer leurs droits, moyennant une compensation.

Le gouvernement incite à la création d’entreprise ou d’exploitation de taille importante, dans le but de faciliter l’utilisation de technologies sur les fermes et ainsi la productivité. Mais la démarche commence juste à se faire, nous sommes au début de la modernisation de l’agriculture chinoise, la taille moyenne des « exploitations » étant encore de 1,5 ha, et bien souvent pas d’un seul tenant.

Le manque de compétences est le principal frein à ce changement. Il est bien entendu complètement différent d’élever 5 vaches pour sa propre consommation et celle de sa famille, et de manager une exploitation de 1000 têtes. Une réforme des universités doit se faire dans le but de spécialiser les étudiants, de leur apporter des compétences aux techniques modernes, contrairement aux pratiques ancestrales encore enseigner dans les livres à l’Université.

Dairy United accueille par exemple des étudiants sur ses fermes, pour apprendre la pratique aux étudiants, et leur donner l’opportunité pourquoi pas de travailler pour eux. En offrant une chance à la population rurale et à ses 300 millions de « paysans » de s’instruire et se spécialiser, l’opinion publique révisera peut-être son avis sur ses agriculteurs, très peu considérés, mais qui pourtant nourrissent actuellement près de 1,3 milliard de chinois. »